Ma vie et mon art de vivre
Dans un premier temps, je voudrais dédier ce témoignage à mes amis : ROGER, MAURICE, PAUL, GERARD et FRIDOLIN.
Je m’appelle Arsène, j’ai 64 ans. Membre actif de la section de Bitche et trésorier du Groupe Alsace.
Je suis abstinent depuis plus de trente ans mais je sais rester humble dans ma vie.
C’est toujours un moment exceptionnel quand je fais mon témoignage car ce témoignage est un vécu et il fait partie de mon histoire, de ma vie.
Je pense que je n’étais pas prédestiné à devenir un malade de l’alcool. Ma relation avec ce produit n’avait sûrement rien d’original et je peux chercher beaucoup d’excuses, je n’en trouve pas une qui soit valable plus que l’autre.
Ces années furent pour moi et mon entourage des années d’angoisse, de désespoir, d’espoirs déçus, des années de lutte contre un seul ennemi et non le moindre : l’alcool.
Il avait toujours le dernier mot.
Des années où je comprenais moi-même que je m’enfonçais tous les jours un peu plus et je ne voyais aucune solution possible pour m’en sortir. J essayais mais en vain.
A chaque occasion festive ou non, à chaque épreuve, l’alcool s’incrusta un peu plus dans mon organisme ; brouillant chaque jour d’avantage ma personnalité, comme un leurre. L’aiguille de ma boussole interne s’affolait. Les bugs se multipliaient.
Ces années là furent un tourbillon de créativité festive, d’audace et de passion. Je chargeai la vie sabre au clair. Je ne me rendais plus compte de la réalité de tous les jours.
Toutes les occasions étant bonnes, je buvais mais sans m’en rendre compte et c’était terriblement dévastateur car dans ma tête et dans mes organes, ce produit laissait des traces.
Et si le rythme qu’imposait ma fonction et l’enthousiasme qu’enfantait mon travail avaient fini par s’atténuer, l’alcool, au contraire, avec sa mémorable capacité d’adaptation, sut me rappeler qu’il pouvait, qu’il allait m’apporter, ce plus, qui rend la vie vivable.
Mais où est la limite ?
D’ailleurs, si je ne voulais plus de son compagnonnage, il n’hésitait pas à prendre des mesures de rétorsion. Il le fit, sous forme de tremblements, de gouttes de transpiration, de bouffées d’angoisse, d’oppressions et suffocations qui signent l’effet de manque et ne s’atténuent qu’avec la dose : sa dose d’alcool.
Combien de fois, je me suis dit « j’arrête » ???
Combien de fois, je me suis dit « j’arrête demain » ??Combien de fois, j’ai dit, je me suis répété, je me suis enfoncé dans le crâne « j’arrête de boire »
Combien de matins, bouffi devant le miroir de la salle de bains, les tripes éclatées, la bouche en carton, ai-je pris cette décision ??
Pas de réveil sans vœu pieux.
L’alcool me répondait : « tu arrêtes pour aujourd’hui pour pouvoir mieux recommencer demain ».
A force de ne jamais tenir ma promesse, j’ai fini par ne plus y croire vraiment.
Le pire, c’est cela, se trahir soi-même, chaque jour ne plus se respecter, savoir que l’on se ment et bien sûr s’en accommoder.
Il a fallut malheureusement que j’ai un accident de voiture pour brusquer les choses (et pourtant aujourd’hui j’ai l’impression que c’était écrit dans le livre de ma vie) et me voilà bon pour faire un séjour à Château Walck
La mort dans l’âme et bien hésitant, je suis donc parti.
De surcroît : départ le 15 décembre donc obligatoirement pas de fête de Noël à la maison. Le premier soir au château, je ne voulais pas rester mais tout doucement j’ai commencé à m’y faire à cette vie.
Néanmoins, à mon arrivée, j’ai été choqué par l’inscription qui se trouvait dans le hall d’accueil « Veux- tu être guéri »
Au fond de moi-même, je le voulais très fort. Aujourd’hui, je pense que c’était le premier déclic de ma vie future.
Approchait la fête de Noël et les préparatifs battaient bon train au château.
Le soir du 24 décembre, avant de fêter Noël ensemble, je me suis promené dans le parc et encore aujourd’hui, je ne sais pas ce qui m’a attiré mais je suis parti en direction de la petite chapelle au fond du parc, j’y suis rentré.
Face à face avec la croix, je n’ai demandé qu’une seule chose
« AIDE MOI A M’EN SORTIR »
Et je suis reparti.
Je suis persuadé que ce soir là, quelqu’un a pris conscience de mon malheur et de ma souffrance.
Bien sûr, je pensais à ma famille, j’étais triste mais l’espoir des retrouvailles dans de meilleures conditions, me faisaient oublier au fur et à mesure cette solitude d’un soir de Noël.
J’avais pris conscience ce soir là que j’avais touché le fond et qu’il fallait émerger à tout prix de ce gouffre mortel. J’ai donc pris la ferme résolution de gagner cette bataille avec l’aide de Dieu et l’aide de mes proches.
Puis, au fil des jours qui passaient, j’ai redécouvert et apprécié jusqu’à ne plus pouvoir m’en passer les vertus de la nature, les vertus de la lecture et des méditations ; celles qui permettent de se regarder, de se recadrer, de prendre conscience de sa dimension personnelle en tout humilité. J’ai appris à identifier mes émotions, à les guider plutôt que de les laisser me submerger et me diriger.
Après ma sortie, la première étape n’a pas été la plus simple. Il a fallu revenir dans le quotidien ou l’alcool restait omniprésent, mais, avec le temps, j’ai réussi à accepter le deuil de ce produit et
L’abstinence était pour moi une obligation, un objectif, un but impératif.
J’ai appris à rebondir et à tirer une force incroyable de cette victoire face à l’alcool, sans pour autant fanfaronner. Il a fallu rester humble et se remettre en question de façon permanente
Cette étape, je l’ai franchi sereinement, mon stock d’optimisme étant à son apothéose.
Je me suis très vite habitué au bien-être et aux avantages procurés par l’abstinence et j’ai mesuré les bénéfices de la vie sans alcool par rapport aux efforts fournis.
Je voulais très fort cette victoire et je me suis accroché.
Je me suis dirigé vers un autre style de vie, un autre art de vivre.
Je pense avoir gagné, je suis un homme libre, libéré de ce fléau. J’ai décidé de vivre le plus longtemps possible et ceci sans alcool. Ceci est un choix que j’ai fait librement en mon âme et conscience.
Après des années d’imprégnation alcoolique, la rupture a laissé un vide sur le plan relationnel qu’il fallait combler.
Grâce à l’amitié chaleureuse que j’ai rencontré à ce moment à la section Croix Bleue de BITCHE, j’ai repris confiance.
Les amis rencontrés m’ont tendu leurs mains et m’ont prouvé qu’il était possible de s’en sortir et de tenir bon. Ils ont fait rayonner l’amitié, la confiance et l’humilité.
J’ai aussi découvert que parfois rien ne s’accomplissait tout seul mais qu’ensemble on pouvait faire beaucoup.
De ce fait, continuons notre lutte car il reste beaucoup à faire, la route est longue mais tous les espoirs sont permis.
A la Croix Bleue, tout est possible et devient possible.
Restons engagés dans notre association car l’engagement trouve sa raison d’être dans le projet dont il est le point de départ, la liberté étant l’objectif.
Cette liberté retrouvée n’est jamais une partie gagnée, un acquis dans lequel il fait bon de s’installer. C’est un vécu dynamique qui reste toujours un engagement à mener à bien, une vérité à retrouver au travers des luttes dont les issues incertaines montrent que sa détermination conditionne la qualité de nos libertés.
En conclusion, je dirais que nous vivons à la Croix Bleue l’immense joie d’avoir été libérés et d’avoir contribué à la libération d’amis grâce à un engagement d’abstinence qui nous permet de nous battre pour la liberté d’autres hommes.
C’est dans cet engagement pour la libération que se vérifie et se consolide par ailleurs notre propre liberté.
L’homme libre n’est pas celui qui s’en sort pour se replier sur lui, oubliant la condition des autres, c’est celui qui tend la main par amour et solidarité pour aider
Osons dès à présent vivre heureux, porté par les vents de l’espérance et de l’amour.
Merci à vous tous, pour tout ce que vous m’avez donné et appris.
Merci pour l’amitié partagée.
ARSENE