Soleil, caravanes et cigales annoncent la couleur, nous sommes au camping mais un camping SANS alcool. Le seul camping zéro alcool de France

Qui dit été, dit apéro, soirée arrosée… pas au camping de la Croix bleue à Vernoux en Vivarais. Niché au cœur de l’Ardèche, ce camping a banni l’alcool depuis 1972. Les campeurs qui y séjournent, s’engagent à ne pas consommer d’alcool. L’initiative émane d’une association qui accompagne les personnes souffrant d’addiction. Des mobil homes, des toilettes communes et tout autour, la nature ardéchoise à perte de vue… le camping de la Croix Bleue ressemble à beaucoup d’autres, pourtant il est unique.

Ici, abstinents et non abstinents peuvent réserver et venir profiter de la nature paisible de l’Ardèche. En revanche, les non-abstinents doivent respecter une règle primordiale : ne pas consommer d’alcool dans l’enceinte du camping.

Une règle immuable

Début août, il fait chaud, le thermomètre tutoie fréquemment les 30° en Ardèche. Une partie de pétanque est en cours au camping, mais point de Pastis, ni de bière pour se rafraîchir. Jean-Claude Scherer est le responsable du camping de la Croix Bleue, il connaît chaque vacancier et chaque vacancier connaît la règle. « Pas d’alcool ! Il n’y a pas d’alcool sur le terrain, dit-il. S’il y en avait, on préviendrait la personne que ce n’est pas normal, qu’il faut se responsabiliser, que le terrain est sans alcool, par respect envers les autres campeurs ».

Le camping affiche complet en août, visiblement la formule ne rebute pas. « Quand quelqu’un se désiste dans la journée, explique Jean-Claude, une autre personne le remplace et réserve. »

Dans sa robe estivale, à quelques pas de l’auvent de sa caravane, Michèle Paupardin sourit. Avec son mari, ils viennent au camping tous les étés. Son mari a arrêté de boire il y a bientôt 30 ans.

« On a rencontré la Croix bleue après le sevrage de mon mari. À l’hôpital, il y a des personnes de l’association qui sont venues le visiter et c’est comme ça qu’on a commencé à fréquenter les réunions de la Croix bleue. Après sa cure, on est venu ici passer une semaine. Pour nous, ça a été le début d’un renouveau », dit-elle avec un soulagement visible.

« L’alcool nous avait déchirés. Ici, on nous a aidés, chouchoutés. »   

 

Michèle habituée du camping de la Croix Bleue. Pour quelqu’un qui sort juste de cure, explique-t-elle, aller passer une semaine de vacances dans un camping où à droite, à gauche, on boit l’apéritif, c’est difficile. Il faut se préserver. »

La tentation en moins, le soutien en plus

Ni jugement, ni tentation, les habitués du camping épaulent ceux qui tentent de s’en sortir. Pour Jean-Claude, l’entraide est ce qui résume le mieux l’esprit de l’association. « Aider des personnes à se sortir de l’alcool ou qui viennent de se sortir de l’alcool pour se reconstruire en famille, passer des vacances à moindre coût, c’est notre objectif. »

Le responsable précise toutefois qu’il y a aussi des personnes qui boivent, mais à l’extérieur, « par respect pour nous, ils ne boivent pas quand ils sont sur le camping, mais ils viennent nous soutenir ».

L’entraide passe aussi par l’écoute, le dialogue. « C’est thérapeutique, souligne Michèle, parfois, on passe des après-midi à discuter sur le parcours de chacun. Quelque part, on a tous le même problème, même si chacun a une histoire différente, le dénominateur commun, c’est l’alcool. C’est important de se soutenir, car les personnes qui arrivent sur le camping, qui sont nouvelles, elles se battent, elles veulent s’en sortir. »

Années après années, les habitués sont devenus amis et même de retour dans leurs pénates respectifs, le lien est maintenu. « Le reste de l’année, on s’appelle », conclut Michèle.

 

Surtout éviter la rechute

Attablé à l’extérieur de sa caravane, Philippe, 39 ans, vient ici pour la troisième fois. Il consomme des boissons alcoolisées de temps en temps, mais s’impose des périodes d’arrêt total.

« Quand je bois, même peu, je ne vais pas prendre un bouquin, explique-t-il, alors que là, j’ai emporté des livres, de quoi écrire, de quoi dessiner. Je mets en place des stratégies sur mes temps d’abstinence qui me font évoluer. »

Philippe ne se décrit pas comme un abstinent, il s’inscrit dans une démarche « de réduction des risques et des dommages ».

« Cette année, explique-t-il, j’ai fait le Dry January (NDLR : janvier sec, période où une personne ne consomme aucun alcool). J’ai poursuivi les mois qui suivaient… mon problème, ce n’est pas l’alcool au quotidien, mais le binge drinking (consommation d’alcool rapide et excessive), ce sont des moments où je risque de me mettre en danger et de mettre en danger les autres. »

La location d’une caravane coûte 150 euros pour une semaine. Le prix est accessible grâce à la gestion bénévole du camping associatif.